31/12/16
Jésus étant né à Bethléem en Judée, aux jours du roi Hérode, voici que des Mages venus d’Orient se présentèrent à Jérusalem en disant :
– Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus lui rendre hommage.
A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il convoqua tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux de l’endroit où devait naître le Christ.
– A Bethléem de Judée, lui dirent-ils…
Alors Hérode appela les Mages en secret, et se fit préciser la date où l’étoile était apparue. Puis les renvoyant à Bethléem :
– Allez, leur dit-il, informez-vous exactement de l’enfant, et quand vous l’aurez trouvé, faites-le nous savoir, afin que j’aille, moi aussi, lui rendre hommage. Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les conduisait et vint s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’Enfant.
A la vue de l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. Entrés dans la maison, ils virent l’Enfant avec Marie, sa mère ; ils se prosternèrent, lui rendirent hommage. Puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. (Mat.chap.2 v.1 à 12)
Des Rois-mages initiés
C’est ce que nous révèle le second chapitre de l’Évangile selon Saint-Mathieu. Ni les deux autres Évangiles, ni Jean l’Initié ne font allusion aux Mages. En revanche, plusieurs apocryphes nous donnent des détails extraordinaires sur les mystérieux pèlerins.
Si la Synagogue où Hérode prenait conseil n’était pas aussi obstinée, elle lui aurait rappelé le Psaume 72 qui dit : Les rois de Tharsis et des Iles lui enverront des tributs ; les rois d’Arabie et de Saba lui enverront des présents… Tous les rois de la Terre se prosterneront devant lui, et toutes les nations le serviront.
Et ensuite, elle se serait rappelée Isaïe, en son chapitre LX : Des nations marcheront à ta Lumière, et des rois à la clarté de ton aurore… De Saba, ils arriveront tous, apportant or et argent, et chantant les gloires de Yaweh…
Les îles confluent vers moi, – vaisseaux de Tharsis en tête – rapportant de loin tes fils, ainsi que leur or et leur argent, pour le Nom de Yaweh, pour le Saint d’Israël qui te veut splendide.
Qui étaient ces Mages ? Certains se hasardent à penser qu’ils étaient prêtres de Zoroastre – instruits en astrologie. En Occident, nous parlons de trois rois mages; et leur fête se situe à l’Épiphanie, soit le 6 janvier. Mais les liturgies syrienne et arménienne font mention de douze mages ; ils sont vénérés en la Théophanie, ou Fête des Lumières, à laquelle correspond donc notre Chandeleur. Il est dit que nos trois rois mages se nomment :
– Melchior, de la race de Sem, roi d’Arabie,
– Gaspar, de la race de Cham, roi de Saba ou d’Ethiopie,
– Balthazar, de la race de Japhet, roi de Tharsis.
Les trois branches de l’arbre noachique sont donc venues adorer l’Enfant. Les étymologies des deux derniers noms restent mystérieuses ; mais celui de Melchior – le roi de la lumière – est riche d’un autre enseignement.
Tous les Pères de l’Église s’accordent sur la signification symbolique des trois présents : – Melchior offre de l’Or, symbole de la Royauté, – Gaspar, de l’Encens, symbole de la Divinité, – Balthazar, de la Myrrhe, symbole de la souffrance, donc de l’Humanité.
Saint Jean Chrysostome affirme que les Trois Rois, après la Résurrection, furent retrouvés par Saint-Thomas, qui les baptisa et en fit les saints patrons de l’Asie.Selon certains, l’impératrice Hélène (qui connaissait les secrets des Druides et des Bardes), celle qui avait déjà « découvert » la Sainte Croix, trouva ensuite, par une voie mystérieuse, leurs reliques, qu’elle fit transférer de manière solennelle à Constantinople. Saint Eutorge les transporta ensuite à Milan.
Les Allemands s’en saisirent, et les amenèrent à Cologne, où elles sont l’objet d’une grande vénération.
C’est pourquoi les armes de cette ville comportent trois couronnes. Mais n’avons-nous pas là un des attributs celtiques, ces trois cercles de vie qui expriment les trois mondes ? On pourrait aussi poursuivre la recherche sur cette piste, car les noms de Gaspar (ou Kaspar) et Melchior révèlent une origine teutone.
Les Rois Mages et l’Épiphanie
Après cette succincte présentation traditionnelle, voyons maintenant – pour la petite histoire – le symbolisme dénaturé, mais combien significatif, qui en résulte. En tentant de comprendre ce que représente l’Épiphanie (du grec epiphaneia : apparition), nous sommes forcés de nous plonger dans la tradition égyptienne où le bœuf Apis, fils du dieu Ptah, était appelé Ephaus chez les Grecs – dont la racine est la même qu’ « apparition ».
L’Épiphanie est cette fête du 6 janvier qui célèbre la manifestation de Dieu sur la terre selon les Églises d’Orient, dont le cycle de 12 jours sépare Noël de la Fête des Rois. Aussi, ce cycle de douze jours dominé actuellement par la pensée chrétienne, conserve en lui des rites plus anciens.
C’est la grande et importante période du solstice. Si l’on rattache cette date avec ce qui a été dit plus haut, le sens de la Fête des Rois apparaîtra alors avec plus de clarté.
Nous savons tout d’abord que deux saints ont été placés aux deux solstices. Étrange coïncidence : ce sont les deux Saint-Jean, compagnons de Jésus, qui sont en fait deux aspects d’un même symbole.
Que ce soit le Baptiste (24 juin) ou l’Évangéliste (27 décembre) leurs missions apparaissent comparables et la mission de l’un a une correspondance et une influence sur la mission de l’autre, qui se déroule au solstice suivant.
Tous les symboles viennent se décliner au cours de ces deux périodes. On retrouve le repas de Noël avec sa table familiale, qui correspond à la ronde autour du feu de la Saint-Jean, l’arbre de Noël, avec l’arbre de Mai, la bûche, gâteau traditionnel, ou le tison, emblème de la fécondité, etc.
La correspondance est significative, et parce que les complémentaires s’unissent, à l’emblème du Feu succède celui de l’Eau. La Tradition magique ne dit-elle pas que l’Eau est à un autre niveau une expression du Feu ?
Les deux Jean ne font donc qu’un, ésotériquement parlant ; ils sont les deux faces de Janus (ou Hermès bicéphale), l’une correspondant à la croissance des jours alors que l’autre étend son influence sur leur diminution avec les deux animaux emblématiques qui les caractérisent : le coq et l’aigle, deux symboles solaires par excellence.
Le mystère de la fève
Mais pourquoi en fêtant les Rois, fête-t-on la fève dans le gâteau ? Ce Roi de la Fève que l’on honore d’une manière païenne en cette période a eu aussi pour complément le Roi de la Folie, autre personnage populaire des Fêtes de Noël bien connu des anglo-saxons.
C’est une tradition aujourd’hui presque disparue qui préside aux Bacchanales et à la démesure et qui, en France, a pour nom La Fête des Fous, où les hommes se déguisent en évêques, archevêques ou papes.
On a célébré cette fête soit à Noël, soit le 26 décembre (à la Saint-Étienne), soit au Jour de l’An, soit encore au Jour des Rois. Aujourd’hui on se déguise pour le nouvel an…
Le 6 janvier, à la fin du repas, on partage en famille une galette afin de célébrer le roi de la soirée et le hasard désigne l’élu. De nos jours, la fève est remplacée par un poisson, un baigneur en porcelaine ou en matière plastique ou tout autre figurine (car cette tradition commence à se dénaturer).
Fulcanelli, dans Le Mystère des Cathédrales, dit ceci : On donnait autrefois le nom de poisson royal au dauphin, à l’esturgeon, au saumon et à la truite, parce que ces espèces étaient réservées, disait-on, pour la table royale. En fait, cette dénomination avait seulement un caractère symbolique, puisque le fils aîné des rois, celui qui devait ceindre la couronne, portait toujours le titre de dauphin, nom d’un poisson, et qui mieux est, d’un poisson royal.
Il ajoute: Le petit baigneur est inclus à la façon d’un signet de livre. Et sur la croûte de la galette on dessine des fils entrecroisés – des rets ou filets. Par ce symbolisme plus moderne, nous prenons conscience que pour être roi, même ne serait-ce que durant une soirée, il faut être marqué : il est ainsi indispensable de recevoir un signe céleste qui s’inscrit dans le déroulement d’un fait cosmique.
On a toujours placé une fève qui symbolisait la vie dans le gâteau des Rois. C’est en 1870 que d’autres objets sont apparus dans la tradition populaire et ont été cachés dans la galette. Fève ou petit poisson, ce gâteau est en pâte feuilletée dont la croûte est striée à la manière d’un filet de pêche et dont la pâte pourrait signifier la mer.
Pêcher la fève dans cette mer universelle, c’est pêcher l’Embryon divin, travail de ce germe de conscience qui se reproduit dans celui de l’alchimiste au moment où il va réaliser l’Œuvre.
Le terme « argot » (langue originellement ésotérique), « avoir de la galette », explique bien que celui qui découvre la fève devient riche, possède l’or. C’est du reste cette même énergie attribuée à Mercure (dieu des marchés, dieu de l’argent) qui préside à la réalisation alchimique et à toute démarche spirituelle en général. C’est donc la promesse d’une nouvelle vie, celle de la Conscience immortelle, finalité de tous ceux qui parviennent à l’Éveil et dont le Christ est le vivant symbole.
Le Royaume des Rois mages
Une vieille tradition nous enseigne que chaque verset de l’Écriture a sept sens de plus en plus subtils d’interprétation, dont l’ultime ne s’exprime que par le silence, tout comme les notes jouant sur les sept chakras en l’homme et dont la dernière, l’ultime, est en quelque sorte celle qui recèle toutes les autres, parce que chacune d’elle est un passage vers une étape supérieure.
La fête de l’Épiphanie, célébrée 12 jours après Noël, sous le signe du Capricorne, est la fête des trois rois mages guidés par la lumière de l’étoile, ce point de conscience qui brille en chacun, vers l’étable (qui symbolise l’inconscient) où vient de naître Jésus, la Lumière, la Vie, la Conscience. Cette étoile dont la brillance est ténue annonce qu’elle peut devenir un soleil resplendissant, car elle montre que Jésus – en devenant le Christ – sera la Lumière du monde.
Une fois de plus, la Tradition (sous un certain aspect) nous présente ce qu’est réellement la Quête de tout être humain : la Révélation de la conscience, le Christ en nous. Le tableau classique de la Crèche où naît le Maître des Maîtres est un symbole complet du renouvellement de la Création. On y retrouve les cinq éléments constitutifs de la manifestation.
C’est à Bethléem, la maison terrestre, le « voile de Dieu » qu’a lieu la Naissance. Mais n’est-il pas curieux également de constater que (selon d’autres interprétations) cette « légende » ou – pour être plus précis – cette « histoire arrangée » représente sur un autre plan une quête alchimique ?
Notez plutôt : Dans la Crèche (l’Athanor), on voit Marie (l’Eau), Joseph (l’Air), le Boeuf (la Terre) et l’Ane (le Feu) autour de l’Enfant-Lumière (l’Akasha) qu’est Jésus.
Plus étrange encore, dans cette symbolique alchimique, on y voit ces Rois-mages qui, assez curieusement, représentent les trois phases du Grand Œuvre : Gaspar dont la peau est noire, Melchior (dont la peau est blanche) et Balthazar (dont la peau serait…rouge).
La conclusion peut paraître hasardeuse au sujet de Balthazar, car pourquoi aurait-il la peau rouge ? Serait-ce un arrangement pour les besoins de l’histoire ? Il n’en est rien, car souvenons-nous que ce personnage est originaire de Tharsis que l’on situe mal géographiquement parlant.
Retour vers l’Atlantide
Mais il semble qu’il faille plutôt se diriger au-delà des colonnes d’Hercule (détroit de Gibraltar) pour découvrir le fabuleux royaume de Tharsis dont parlent les Écritures, ce royaume de Tartessos, siège des derniers vestiges atlantes. Balthazar serait donc de race rouge, puisque roi de Tharsis, donc héritier de la Tradition atlante. Nous arrêterons là sur le symbolisme alchimique et sur les transmissions, car cela nous mènerait trop loin et dépasserait le cadre de cet article.
Ces Rois-mages posent réellement une énigme quant à leur origine et leurs connaissances. Fulcanelli, pour sa part, dans Le Mystère des Cathédrales, cite un passage d’un auteur du VIe siècle où l’on peut comprendre une voie conduisant au Grand Œuvre. Il souligne :
Tous les ans, ces hommes (les Mages), après la moisson, montaient sur un mont qui, dans leur langue, s’appelait Mont de la Victoire, lequel renfermait une caverne taillée dans le rocher et agréable par les ruisseaux et les arbres qui l’entouraient. Arrivés sur le mont, ils se lavaient, priaient et louaient Dieu en silence pendant trois jours.
C’est ce qu’ils pratiquaient pendant chaque génération toujours dans l’attente si, par hasard, l’étoile du bonheur ne paraîtrait pas pendant leur génération. Mais, à la fin, elle parut sur ce Mont de la Victoire sous la forme d’un petit enfant et offrant la figure d’une croix.
Elle leur parla, les instruisit, et leur ordonna de partir pour la Judée… – L’étoile les précéda ainsi pendant deux années, et le pain ni l’eau ne leur manquèrent jamais…
Il faut tout de même s’arrêter sur un point qui a son importance. Ces personnages étaient à la fois Rois et Mages – c’est-à-dire souverains dans leur pays, représentants de l’autorité temporelle mais aussi Adeptes investis d’une formidable autorité spirituelle et possédant la plus haute science qui soit : celle de la Magie ou Théurgie Science des sciences. Ils sont donc rois et mages à la fois, deux fonctions qui trouvent leur origine dans la nuit des temps.
Si l’on fixe le ciel en cette période de l’année on aperçoit se dessiner dans le ciel la constellation d’Orion. Celle-ci fait partie des rares constellations immédiatement reconnaissables par leur forme. Ses sept étoiles les plus brillantes forment un sablier facilement identifiable : quatre étoiles très brillantes forment un rectangle caractéristique au milieu duquel se trouve un alignement de trois autres étoiles, les « rois mages », qui forment un ensemble extraordinaire.(Voir : Thot-Hermès de G. Delaage. Ed. Moryason)
Ces trois étoiles pointent vers la constellation du Grand Chien, directement vers Sirius. Quand on sait que Sirius est la Source par laquelle La Mère Divine nourrit notre Logos solaire et nous-mêmes, alors nous voyons toute l’importance qu’il faut donner à cette région du ciel.
La Mère du Monde
Hormis ces trois Rois-mages, la seule mention faite dans la Bible d’un personnage similaire est Melkistdeck, qui était roi de Salem mais aussi prêtre, puisque Sacrificateur du Très-Haut. Melchisedek était sans généalogie (Genèse, XIV:18-20) et c’est lui qui bénit Abraham, dont la descendance devait donner naissance aux trois religions monothéistes que nous connaissons.
Être sans généalogie peut signifier aussi occuper une dignité au-delà du temps et de l’espace, et donc se situer dans cette Fraternité Himalayenne connue sous le nom de « Grande Loge Blanche ». Ainsi, les Rois de Justice sont des personnages détenteurs de la vraie Science.
Les Maîtres de Justice chez les Esséniens étaient des représentants de la plus haute autorité, et lorsqu’on songe à quoi se rattachait cette Fraternité – d’origine atlante – dans laquelle le Christ devait venir, on comprend mieux l’implication traditionnelle. Il est du reste curieux de constater que dans le vocabulaire provençal (considéré par certains comme une langue d’initiés) le terme mage signifie juge.
Cette fabuleuse histoire est avant tout une histoire cosmique où la Mère du Monde joue un rôle prépondérant. C’est aussi de ce merveilleux symbole que fut revêtue Marie mère de Jésus lorsqu’on parla de Crèche mais aussi d’étoile, celles de Sirius de de Vénus qui se confondent en une magnifique réalité universelle. (Voir « Le choix atlante » de G.Delaage. Ed. Moryason)
Ces Rois-mages font donc partie d’une Hiérarchie qui dépasse les conceptions humaines, et ce n’est pas sans raison qu’Ils vinrent honorer le Roi des rois dans la Crèche. La légende relatant qu’Ils furent trois à adorer le Christ rappelle donc simplement que des Êtres venus du fond de l’Orient furent mandatés par la Grande Loge Blanche pour honorer Celui qui devait plus tard adombrer Jésus en devenant le Christ.
Ces Adeptes, Gardiens de la Doctrine hermétique, ne révéraient nullement une religion qui allait naître (car Jésus n’a jamais demandé cela) mais s’inclinaient devant la Puissance merveilleuse qui allait plus tard purifier notre Terre par l’intermédiaire de l’Enfant divin. Aussi, ne faut-il pas y voir cette dogmatique coloration religieuse qui enferme Jésus Christ dans des limites qu’Il n’a pas imposé.
Il est, au contraire, universel et n’appartient à aucune religion. C’est ainsi qu’à l’instar des Rois mages chacun devrait profiter de ce temps de Noël et de l’Épiphanie pour déposer l’offrande de sa prière sur l’autel qu’est notre Terre afin que la Lumière de la conscience chasse les ténèbres qui cherchent depuis longtemps à la faire disparaître.